Ils viennent chercher le calme, l’authenticité, une parenthèse loin du tumulte urbain. Chaque été, des milliers de vacanciers choisissent les petits villages français pour se ressourcer. Mais une fois sur place, beaucoup oublient une chose essentielle : ces lieux ne sont pas des décors figés dans le temps, ce sont des territoires vivants, habités, fragiles.
Et pour ceux qui y vivent à l’année, l’arrivée massive de touristes n’est pas toujours vécue comme une bénédiction.
“Ils pensent que tout leur est dû”
Dans un village du Vercors, le maire a fini par afficher un mot devant la fontaine principale : “L’eau est un bien commun. Merci d’en faire un usage raisonnable.”
Ce petit panneau reflète une réalité de plus en plus partagée. Avec la hausse des températures et les sécheresses à répétition, certaines communes rurales peinent à fournir de l’eau potable à leurs habitants… alors que les résidences secondaires remplissent piscines et bains nordiques.
“L’été dernier, on a dû rationner l’eau deux semaines. Les touristes se plaignaient de ne plus pouvoir se doucher deux fois par jour, pendant que les anciens faisaient la vaisselle avec des bouteilles,” raconte Lucienne, retraitée dans la Drôme.
Dans d’autres villages, les petites routes départementales deviennent impraticables, saturées de voitures, de vans et de camping-cars garés sans autorisation.
Des infrastructures sous pression
Ce que beaucoup oublient, c’est que les services dans ces communes sont dimensionnés pour quelques centaines d’habitants. Pas pour accueillir 3 ou 4 fois plus de monde en juillet-août.
Les conséquences sont concrètes :
- Réseau d’eau potable insuffisant
- Ramassage des ordures débordé
- Routes étroites vite saturées
- Parkings improvisés sur les champs
- Commerces pris d’assaut sans réassort possible
Tout cela a un coût, et ce sont souvent les mairies, avec des budgets très serrés, qui doivent improviser des solutions.
“On ne peut pas demander à un village de 200 habitants de fonctionner comme une station balnéaire. Ce n’est pas possible,” explique un élu du Puy-de-Dôme.
Tableau comparatif : l’impact de l’afflux touristique dans trois villages
| Commune | Habitants à l’année | Touristes en été | Problèmes majeurs signalés |
|---|---|---|---|
| Saint-Guilhem-le-Désert (34) | ~300 | >3 000/jour | Embouteillages, déchets, tension eau |
| Moustiers-Sainte-Marie (04) | ~700 | >5 000/jour | Difficultés de stationnement, pénurie d’eau |
| Salers (15) | ~350 | >2 500/jour | Tensions avec les habitants, nuisances sonores |
Le respect des habitants, une donnée souvent oubliée
Dans de nombreux témoignages, un mot revient : le mépris ordinaire.
Certains touristes laissent les moteurs tourner en plein centre du village, jettent leurs déchets dans les haies, ou interpellent les habitants comme des figurants de carte postale. D’autres pénètrent sans gêne dans des jardins, pensant qu’il s’agit de sentiers publics.
“On m’a demandé de poser pour une photo devant ma propre maison, sans même dire bonjour,” raconte Jean-Marie, 72 ans, habitant de l’Aveyron.
Ce comportement, souvent involontaire, génère une lassitude grandissante, parfois de la colère. Car au-delà du folklore, les habitants ont une vie, un travail, des habitudes. Ce ne sont pas des animateurs touristiques.
Une cohabitation à réinventer
Face à ces tensions, de plus en plus de villages tentent d’éduquer sans rejeter. Des panneaux ont été installés dans certaines communes, rappelant des règles de savoir-vivre simples : respect de la nature, des horaires, de la tranquillité des lieux.
Des campagnes locales sensibilisent aussi au coût réel du tourisme : l’eau, la gestion des déchets, la réparation des routes… Ce ne sont pas des “petits détails” : ce sont les ressources vitales des habitants.
“On est contents que les gens découvrent notre coin, mais pas à n’importe quel prix. Il faut que chacun prenne conscience que ce n’est pas un décor figé. C’est notre quotidien,” conclut une habitante de Lozère.
