« Ils ont vidé le village » : ce boulanger refuse de vendre ses croissants aux touristes

Dans ce petit village de montagne, on ne trouve qu’une seule boulangerie.
Et depuis quelques semaines, une pancarte affichée sur la vitrine intrigue – et divise :
« Réservé aux habitants du village – pas de vente aux touristes ce matin ».

Une décision radicale, prise par Jean-Pierre, artisan boulanger depuis 27 ans, qui dit ne plus supporter l’invasion estivale.
Au cœur de ce geste, une réalité de plus en plus répandue dans les territoires touristiques : celle d’un quotidien bousculé, de plus en plus difficile à préserver.

Un ras-le-bol qui couvait depuis longtemps

Dès les premières heures de la journée, la file d’attente déborde sur la place du village.
Des vacanciers venus en voiture des campings voisins attendent pour acheter des dizaines de viennoiseries, souvent pour toute la famille ou pour “faire une réserve”.

« Ils arrivent dès 7h30, prennent 20 croissants, 10 pains au chocolat. À 8h, il ne reste plus rien pour les gens d’ici »,
explique Jean-Pierre, visiblement excédé.

Ce boulanger est connu pour ses produits faits maison, son pain rustique et ses croissants au beurre qui attirent désormais bien au-delà de sa commune de 250 habitants.
Mais cette notoriété locale, devenue virale sur certains blogs de tourisme, a eu un effet pervers.

« On ne peut plus travailler sereinement. Et les anciens du village, ceux qui m’ont vu m’installer, rentrent bredouilles chez eux. »

Une décision mal comprise, mais assumée

Devant l’afflux, Jean-Pierre a décidé de limiter la vente aux seuls habitants les week-ends et certains matins de semaine.
Un choix assumé, mais qui n’a pas manqué de faire réagir les touristes, certains parlant même de “discrimination”.

« On est clients comme les autres, on a fait 30 minutes de route, c’est injuste »,
s’étonne une vacancière venue d’un gîte voisin.

Mais pour Jean-Pierre, il ne s’agit pas de refuser les touristes, mais de défendre un équilibre.

« Ils sont les bienvenus au café, au marché, partout. Mais je refuse que mes clients de toute l’année soient privés de pain parce qu’on surconsomme en vacances. »

Une tension révélatrice d’un problème plus large

Ce cas n’est pas isolé.
Dans plusieurs communes françaises, des restrictions informelles se mettent en place pour préserver les services de proximité :
files prioritaires pour les locaux à la pharmacie, limitations dans les petits supermarchés, ou horaires adaptés dans certaines épiceries rurales.

Pourquoi ?
Parce que les services sont pensés pour quelques centaines d’habitants, pas pour des flots de touristes en pleine saison.

SituationRésultat
Village de 300 habitantsPopulation x5 en juillet-août
Boulangerie artisanaleCapacité de production limitée (env. 300 viennoiseries/jour)
Hausse de la demandeProduits épuisés dès 8h, habitants lésés
Décision priseRestriction temporaire de vente aux non-résidents

Un village partagé entre compréhension et crispation

Du côté des habitants, la mesure est largement soutenue.
Certains ont même proposé de passer commande la veille, pour limiter la ruée matinale.

Mais du côté des professionnels du tourisme, on craint que ce type de décisions ternisse l’image de la région.
Surtout dans une époque où les avis en ligne peuvent nuire rapidement à une adresse locale.

« C’est triste d’en arriver là, mais on comprend Jean-Pierre »,
souligne la maire du village, qui assure vouloir trouver une solution de médiation, avant que les tensions ne s’aggravent.

Une question de fond : à qui appartient le village l’été ?

En arrière-plan, une question sociale et identitaire plus large se pose :
Les villages très touristiques peuvent-ils encore vivre pour leurs habitants, ou deviennent-ils des décors de vacances éphémères ?

Jean-Pierre, lui, ne compte pas changer d’avis tout de suite.

« Je préfère perdre un peu de chiffre que perdre mes voisins. »

Et si, derrière cette pancarte qui fait tant parler, se cachait l’expression d’un malaise grandissant dans la France rurale ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *