“Ce n’est plus chez nous” : en Corse, certains villages voient arriver des touristes peu respectueux des coutumes

Elle attire chaque année plus de trois millions de visiteurs. Sauvage, fière, montagneuse et côtière à la fois, la Corse est l’une des destinations préférées des Français en été.
Mais derrière l’image de carte postale, des tensions montent dans plusieurs villages. Les habitants dénoncent l’irrespect croissant de certains touristes et un mode de consommation jugé incompatible avec les traditions locales.

“Ils se croient tout permis. Ici, on a une culture, des règles, un respect du lieu. Ce n’est plus chez nous l’été,” lance Antoine, 54 ans, habitant d’un village près de Porto-Vecchio.

Une fréquentation qui explose… et qui dérape

Certains villages corses ont vu leur population temporaire multiplier par 10 en juillet et août. Le village d’Ota, par exemple, compte 500 habitants à l’année… mais reçoit plus de 6 000 personnes certains week-ends d’été.

Si l’économie locale profite de cette affluence, les conséquences sur la vie quotidienne et l’identité culturelle sont lourdes.

Parmi les comportements dénoncés :

  • Baignades dans des zones interdites ou sacrées
  • Tenues jugées inappropriées dans les villages ou les églises
  • Bruit tard le soir sans respect des habitants
  • Jets de mégots ou de déchets dans le maquis
  • Déambulation dans des propriétés privées “pour la photo”

“Certains rentrent dans notre cour pour prendre nos chèvres en photo, sans même dire bonjour. On n’a pas été élevés comme ça ici,” confie Mireille, 66 ans, à Piana.

Des traditions mises à mal

En Corse, la culture locale est encore très vivante : langue corse, chants polyphoniques, fêtes villageoises, rapports forts à la terre et à la mer.

Mais l’arrivée massive de touristes, souvent en quête de dépaysement sans compréhension réelle des codes, bouscule ces repères.

Les jeunes corses disent parfois ne plus reconnaître leur village, devenu un “spot Instagram” ou un simple arrêt sur une route panoramique.

“Le tourisme, oui. Mais pas s’il efface ce que nous sommes,” résume Paul, musicien traditionnel.

Vers une réponse locale ?

Face à ce malaise croissant, plusieurs mairies ont commencé à prendre des mesures :

  • Affichage des règles de conduite locales en plusieurs langues à l’entrée des villages
  • Création de parcours balisés pour éviter la surfréquentation de lieux sensibles
  • Campagnes de sensibilisation à la culture corse dans les offices de tourisme
  • Interdiction de camping sauvage et renforcement des contrôles

Voici un tableau de quelques villages concernés et des réponses apportées :

VillageRégionHabitantsProblèmes signalésRéponses locales
Ota-PortoOuest Corse500Intrusions, bruit, pollution visuelleParcours fléché, panneaux d’information
Sant’AntoninoBalagne90Respect des lieux religieuxGuide local obligatoire pour visites
ZonzaCorse-du-Sud2 200Accès non autorisé à des bergeriesPatrouilles de surveillance renforcées
PianaOuest Corse450Tourisme photo non encadréSignalétique, présence de médiateurs

Un modèle de tourisme à réinventer ?

En Corse, le sentiment d’appartenance au territoire est fort, et les dérives touristiques sont vécues comme une forme de dépossession.

“On ne veut pas devenir un musée vivant ni un parc d’attractions. Ce que les gens aiment ici, c’est justement ce qu’ils détruisent sans le vouloir,” résume Laurent, artisan potier.

Face à cette réalité, de plus en plus de voix insistent sur la nécessité de :

  • Promouvoir un tourisme culturel et responsable
  • Soutenir les hébergements familiaux plutôt que les locations impersonnelles
  • Mieux répartir les flux entre l’intérieur des terres et les zones côtières
  • Encourager les visiteurs à respecter les règles locales, au lieu d’imposer les leurs

Un équilibre à trouver entre accueil et respect

La Corse restera une île convoitée, magnifique, magnétique. Mais son identité repose sur un équilibre fragile entre tradition, fierté, et ouverture.

“Venir ici, c’est aussi accepter qu’on entre chez quelqu’un. On n’est pas en terrain neutre,” rappelle Jean, berger en Haute-Corse.

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