Alors que l’industrie aéronautique se prépare à accueillir environ 10 milliards de passagers d’ici le milieu du siècle, les carburants d’aviation durables (SAF) sont de plus en plus considérés comme la pierre angulaire pour atteindre zéro émission nette tout en s’adaptant à la croissance.
L’organisme industriel IATA prévoit que pour atteindre le statut neutre en carbone dans l’ensemble du secteur d’ici 2050, SAF devra contribuer jusqu’à 65 % de la réduction totale des émissions.
Mais des questions demeurent quant à la viabilité de SAF à décarboner le secteur à grande échelle. Par exemple, la Royal Society a calculé que les ambitions du Royaume-Uni visant à atteindre zéro émission nette dans le secteur de l’aviation seraient extrêmement coûteuses, car elles nécessiteraient d’énormes quantités de terres agricoles ou d’électricité renouvelable pour produire des carburants propres en quantités suffisantes, ce qui rendrait les plans irréalistes.
Même si son rapport soulève des points importants, les défis et les technologies doivent être pleinement examinés lors de l’examen des obstacles potentiels.
Par exemple, le Forum économique mondial affirme qu’il existe suffisamment de matières premières durables – notamment les déchets solides municipaux, les résidus agricoles et les déchets d’huile de cuisson – pour atteindre les niveaux de production SAF de 500 millions de tonnes par an d’ici 2030, répondant ainsi à la demande projetée de carburant.
L’une des principales méthodes de production futures du SAF, Fischer-Tropsch (FT), convertit un mélange de monoxyde de carbone et d’hydrogène (appelé gaz de synthèse) en brut synthétique – qui peut ensuite être valorisé en SAF.
Le gaz de synthèse peut être produit à partir d’une large gamme de matières premières, notamment la biomasse et les déchets solides municipaux, ce qui rend la technologie FT largement indépendante des matières premières.
De même, d’autres technologies existent pour convertir le dioxyde de carbone capturé et l’hydrogène électrolytique en gaz de synthèse, qui est ensuite valorisé en brut synthétique. Cela ouvre la voie à la création de SAF basés sur les énergies renouvelables pour les producteurs de carburant.
Actuellement, la plupart des SAF sont produits à partir de HEFA – esters hydrogénés et acides gras – une matière première dont l’approvisionnement est très limité.
En revanche, la flexibilité des matières premières associée au FT signifie que son importance dans un avenir proche est assurée. De plus, une plus grande production d’électricité renouvelable facilitera une production accrue de SAF électrolytique dérivé de l’hydrogène.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y aura pas de défis pour satisfaire la demande projetée de SAF pour 2050. La capacité de production, par exemple, reste un obstacle majeur : les usines actuellement prévues au Royaume-Uni ne produiront que 4 millions de tonnes de SAF par an d’ici 2030, ce qui est bien en deçà des besoins prévus de l’industrie.
Pour combler ce déficit, les gouvernements doivent renforcer la confiance dans le secteur SAF. Cela commence à se produire : les États-Unis, à travers l’Inflation Reduction Act, ont introduit des crédits d’impôt qui incitent les entreprises à produire davantage de SAF, tandis que l’initiative européenne ReFuelEU propose de pénaliser les fournisseurs de carburant s’ils ne fournissent pas suffisamment de SAF en pourcentage de leur approvisionnement global. .
Mais on peut encore faire davantage. Un obstacle majeur au déploiement des projets SAF consiste à convaincre les financiers que le SAF est un investissement rentable. Étant donné que la technologie et le secteur continuent de croître, les banques les plus réticentes à prendre des risques hésitent à investir dans de nouveaux projets. Les consultations au Royaume-Uni ont signalé cette réticence à investir comme un obstacle potentiel au futur déploiement des SAF – suggérant que les gouvernements pourraient prendre en charge partiellement les coûts, réduisant ainsi les risques pour le secteur.
SAF, en tant que secteur, en est encore à ses balbutiements. Mais il s’agit d’un énorme marché sur le point de croître : si le secteur de l’aviation veut continuer à voler, il doit devenir durable.
Avec l’existence de solutions pour la production de SAF, il s’agit à bien des égards d’un cercle vertueux : plus elles seront déployées et éprouvées, plus la confiance augmentera parmi les producteurs de carburant et plus les coûts diminueront, encourageant davantage leur adoption.
Cela peut se produire progressivement au fil du temps, mais si les gouvernements souhaitent sérieusement accélérer la transition verte du secteur, des interventions politiques seront alors vitales.
Paul Ticehurst est directeur du développement commercial chez Johnson Matthey, basé à Londres. Il est titulaire d’un baccalauréat en génie chimique avec spécialisation en génie minéral de l’Université de Birmingham et d’un MBA de l’Université de Kingston.
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