Alors que plusieurs pays — Inde, Indonésie, Thaïlande, Laos, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Nigeria, etc. — déploient ou préparent l’usage obligatoire de cartes d’arrivée numériques pour les voyageurs étrangers, Visamundi s’élève contre ce qu’elle qualifie de nouveau frein bureaucratique déguisé.
Une prolifération numérique sous couvert de modernité
Dans un contexte où l’internationalisation accélérée des formalités de voyage est présentée comme une avancée logique, plusieurs États instaurent désormais des “arrival cards” numériques — formulaires en ligne recueillant données personnelles, informations sur le séjour, adresse, historique de déplacements — à remplir avant l’arrivée sur le territoire étranger.
« Le discours officiel vante la simplification, la fluidité, la modernité », note Sébastien Couix, le dirigeant de l’agence Visamundi. « Mais dans les faits, c’est une nouvelle étape de complexification : ajouter des formulaires à remplir, des délais à respecter, des plateformes officielles à maitriser — pour un gain ni évident ni justifié du point de vue du voyageur. »
« Dans le fond, soyons clairs : pour une société comme Visamundi, ce type de nouvelles obligations n’est pas un problème », reconnaît-il. « Au contraire, elles génèrent même une demande supplémentaire de services d’accompagnement. Mais la vraie question, c’est la pertinence. Et là, il faut dire les choses : les cartes d’arrivée n’apportent aucune valeur ajoutée significative au voyageur. »
L’utilisateur final : celui qu’on oublie
Selon Sébastien Couix, ces dispositifs risquent de détourner l’attention des enjeux réels de l’expérience voyage. « Le citoyen voyageur ne souhaite pas remplir de formulaires additionnels — il veut voyager. Chaque couche de formalité augmente le risque d’erreur, le stress, et les rejets. »
Il ajoute : « Nous craignons que cette prolifération de cartes d’arrivée ne devienne un effet domino : chaque pays inventera sa propre version, dans sa langue, son interface, ses contraintes. Cela va à l’encontre d’une harmonisation souhaitable. »
Visamundi, en tant qu’acteur du secteur du visa, a déjà observé des incidents : retards de réponse, formulaires bloqués, complétude incorrecte, incompatibilité entre versions de navigateur, etc. Concrètement, un voyageur impatient ou mal informé pourrait se voir refuser l’entrée pour une simple erreur de formulaire.
« La vraie question est : quel bénéfice pour le pays d’accueil et pour le voyageur ? » s’interroge Couix. « Si le motif est le recueil de données ou la sécurité, alors il faut le dire. Mais qu’on ne cache pas sous le terme ‘modernisation’ une charge supplémentaire non négligeable pour les voyageurs comme pour les opérateurs. Les États exigent des voyageurs de remplir une carte d’arrivée, alors qu’ils possèdent déjà exactement les mêmes informations via les systèmes de visas électroniques (eVisas) ou d’autorisations de voyage (ETA). Adresse du séjour, numéro de passeport, détails du vol… tout est déjà fourni en amont. C’est une duplication pure et simple. »
Quel modèle alternatif ?
Pour l’entreprise Visamundi, l’approche devrait être inverse : réduire les frictions, centraliser les flux, automatiser intelligemment, sans multiplier les interfaces. L’agence appelle à une réflexion coordonnée entre États, organisations internationales et acteurs du voyage pour définir des standards (formats de données, vérification biométrique partagée, interopérabilité) plutôt que des systèmes isolés.
« Au lieu d’ajouter des étapes, concentrons-nous sur les étapes essentielles seulement. La sécurité, la vérification, la conformité — oui. Mais la surcharge administrative pour l’illusion de progrès numérique — non. »