L’élan prend de l’ampleur parmi les forces aériennes désireuses de faire du changement climatique l’une de leurs priorités stratégiques, après que l’OTAN a décrit la question comme « un défi déterminant de notre époque, avec un impact profond sur la sécurité des alliés ».
Le ministère britannique de la Défense (MoD) a publié sa stratégie Net Zero pour l’aviation de défense à la mi-juillet 2023, soutenue par la contribution du Forum national des fournisseurs de défense. Sa principale priorité est de garantir que des mesures de décarbonation soient en place pour atteindre cet objectif au plus tard en 2050.
L’initiative a rapidement obtenu le soutien des principaux acteurs du secteur, notamment BAE Systems, Boeing, Leonardo et Rolls-Royce, qui ont signé une charte connexe.
« En tant qu’entreprise, industrie et société, nous avons tous un rôle à jouer dans la lutte contre la menace du changement climatique et cette charte est notre dernier engagement », a déclaré Ian Muldowney, directeur de l’exploitation du secteur aérien de BAE.
De son côté, la Royal Air Force (RAF) a déjà « lancé un programme ambitieux » pour contribuer à la transition, dans le cadre de sa vision de nouvelle génération, baptisée Astra.
Le service a déjà autorisé toutes ses plates-formes à fonctionner avec un mélange de carburant d’aviation durable (SAF) allant jusqu’à 50 %, et a piloté un avion-citerne A330 Voyager d’Airbus Defence & Space entièrement propulsé par SAF.
« Les émissions de l’aviation de défense, attribuables à la combustion du carburant d’aviation, ont contribué à environ 35 % des émissions totales du ministère de la Défense en 2019/2020 », indique le rapport. « Les émissions de l’aviation sont non seulement le principal contributeur, mais elles sont également considérées comme parmi les plus difficiles à réduire en raison des défis technologiques importants qu’elles impliquent. »
OPTIONS D’ATTÉNUATION
Selon les hypothèses actuelles du ministère de la Défense, la réduction des émissions de carbone liée à l’aviation sera obtenue « grâce à la combinaison de cinq options d’atténuation ».
Environ 34 % proviendront de l’introduction généralisée du SAF. « Le principal défi consistera à établir des chaînes d’approvisionnement robustes pour répondre à la demande de carburant », indique le rapport, avec un objectif d’adoption de 10 % du SAF pour l’aviation d’ici 2030.
Une économie de 30 % proviendra d’une « efficacité technique et opérationnelle améliorée », telle qu’une meilleure efficacité énergétique et, par exemple, des réductions d’émissions réalisées « du point de taxi jusqu’à la position de stationnement finale ».
Une réduction supplémentaire de 20 % sera obtenue en « repensant la fourniture de capacités » – par exemple en modifiant le ratio d’entraînement synthétique et réel de la RAF à un ratio de 70 : 30, et en déplaçant certaines applications vers l’utilisation de ressources sans équipage.
Le captage et le stockage du carbone représenteront 15 % supplémentaires, y compris la capacité « de créer des matières premières pour l’approvisionnement futur en (carburant) synthétique ».
« Grâce à son patrimoine important, la RAF aspire à ce que ses avoirs deviennent nets négatifs d’ici 2040, comme moyen de compenser toutes les émissions restantes », indique le document stratégique.
La propulsion à zéro émission ne devrait apporter qu’une contribution de 1 %, car « les projections actuelles concernant le développement de la technologie électrique sur batterie suggèrent qu’elle ne sera pas en mesure de répondre aux exigences de performance de la plupart des capacités de l’aviation de défense ». Il est également « peu probable que l’hydrogène joue un rôle significatif dans la décarbonation des flottes avant 2040 », ajoute-t-il.
PARTENARIATS INDUSTRIELS
Steve Gillard, directeur régional de Boeing pour la durabilité de la défense au Royaume-Uni, au Moyen-Orient et à l’international, et coprésident du groupe de travail sur le changement climatique et la durabilité du Forum des fournisseurs de défense, affirme que l’industrie a un rôle clé à jouer sur la voie de la carboneutralité.
« Nous voulons travailler avec le ministère de la Défense pour faire de cela une réalité », dit-il. « C’est une première étape, mais cela montre des progrès tangibles et que nous sommes vraiment engagés.
« Il s’agit de SAF, mais pas exclusivement de SAF », note-t-il à propos des efforts actuels impliquant l’entreprise.
L’introduction de plates-formes modernes et plus efficaces apportera des améliorations, telles que le remplacement de la flotte de systèmes d’alerte et de contrôle aéroportés Boeing E-3D Sentry, déjà retirés de la RAF, par une solution basée sur le 737NG.
« La transition vers l’E-7 (Wedgetail) entraînera une réduction des coûts d’exploitation et de maintien en puissance, des taux de préparation aux missions plus élevés et une interopérabilité inégalée », a déclaré Boeing.
D’autres exemples de ce type incluent l’effort de recapitalisation des pétroliers de l’US Air Force (USAF), qui livre des KC-46A basés sur 767 en remplacement des KC-135 vieillissants.
« Comme nous utilisons moins d’essence pour déplacer l’avion, cela signifie que nous avons plus d’essence à donner aux avions qui reçoivent du carburant », note Gillard. « C’est une situation gagnant-gagnant, tout en permettant de réduire les émissions et les coûts. »
La remotorisation des bombardiers Boeing B-52 de l’USAF avec le groupe motopropulseur F130 de R-R permettra également d’améliorer de 30 % le rendement énergétique.
Parallèlement, une utilisation opérationnelle plus efficace du transport stratégique C-17 de Boeing, rendue possible par l’analyse des données et la maintenance prédictive, a déjà permis à l’Australie, au Canada et au Royaume-Uni d’économiser ensemble « plus de 4,5 millions de livres de carburant sur une période de six ans ». .
L’avionneur a également signé un accord-cadre « pour explorer les opportunités d’aviation durable » pour la flotte de neuf P-8A Poseidon MRA1 de la RAF.
LOGISTIQUE COMPLEXE
Gillard note que le passage au SAF – qui offre une réduction de carbone de 70 à 80 % par rapport au carburant traditionnel – ainsi qu’une propulsion potentiellement électrique et hybride, créera « un espace logistique plus complexe ».
« Les forces de défense doivent s’assurer que leurs plates-formes sont capables d’exploiter des SAF pour être interopérables avec la chaîne d’approvisionnement en carburéacteur commercial.
«La première étape consiste évidemment à brûler moins de carburant… et à utiliser intelligemment le carburant dont nous disposons», explique Gillard. « Si je suis une compagnie aérienne, ce n’est pas seulement une question d’émissions, c’est aussi une question de profit. Dans le monde militaire, cela dépend de la portée, du temps passé en station et du coût pour le contribuable.
« Les Forces armées soudanaises offrent d’énormes opportunités aux militaires. En s’engageant dans le SAF, la Défense peut accélérer certains projets et faire avancer les volumes. Si je peux amener ce carburant à terre, j’ai alors la garantie d’un approvisionnement. Je protège également ma nation contre les chocs inflationnistes.»
Il plaisante : « Lorsque j’ai accepté ce poste, je ne savais pas que j’allais apprendre deux choses : la finance et l’agriculture.
« La communauté financière a un rôle essentiel à jouer à cet égard : d’énormes quantités de capitaux peuvent être déployées pour soutenir la production de SAF », note-t-il.
« Là où nous constatons une politique gouvernementale de soutien, nous constatons que l’argent afflue vers la production de SAF, et celui-ci augmente rapidement. » Citons à titre d’exemple l’Inflation Reduction Act du gouvernement américain et un amendement au projet de loi énergétique du Royaume-Uni. Cette dernière conduira à l’introduction d’ici fin 2026 d’un mécanisme dit de certitude des revenus, pour soutenir la production de SAF au Royaume-Uni.
Gillard affirme que des mesures précoces portent déjà leurs fruits, même s’il reste encore beaucoup à faire. « Nous sommes sur la route, mais nous devons juste avancer un peu plus vite. »